La féminité de la Gorgone 

Du mythe au personnage littéraire.

 

Article scientifique de Roxane Lefebvre publié dans Les Cahiers d'histoire des littératures romanes d'Augsbourg - d'après son mémoire de Licence: 
"L'Altérité de Méduse, du monstre à la femme"

 

La Gorgone, créature mythologique particulièrement effrayante, semble vouée, comme beaucoup de monstres, à la laideur et à l’exclusion aux confins du monde (1). Pourtant les artistes lui ont trouvé des charmes et l’ont dépeinte sous les traits d’une femme belle et maudite. Il est surprenant de confronter l’affreux monstre archaïque, objet de terreur et arme destructrice, à la superbe et sensible jeune fille décrite par les écrivains modernes. Après un bref aperçu de sa féminisation progressive depuis l’Antiquité jusqu’au Romantisme, nous nous arrêterons sur ses apparitions dans la littérature fantastique du XXe siècle.

Selon la mythologie grecque, les Gorgones étaient trois sœurs monstrueuses à la chevelure serpentine, aux griffes d’airain et aux ailes d’or, si terrifiantes que leur seule vue pétrifiait. Le héros Persée décapita Méduse, la plus jeune, seule à être mortelle, s’aidant d’un miroir pour ne pas la regarder en face. Souvent représentée par un masque grimaçant (2), la Gorgone est un monstre primitif, symbole du Chaos opposé à l’ordre d’Athéna et de la civilisation. Mais depuis Ovide, Méduse est aussi une charmante jeune fille à la chevelure superbe (3). D’après les Métamorphoses, Poséidon la viola dans le temple de la chaste Athéna qui, furieuse, la métamorphosa en affreuse créature. On observe dès lors une intériorisation de la monstruosité et la beauté de la Gorgone fera fortune au cours des siècles suivants : la figure conservera un aspect fondamentalement négatif mais son apparence sera le plus souvent avenante.

Avec l’avènement du Christianisme, Méduse apparaît souvent en littérature comme un démon infernal. C’est ainsi qu’elle menace de pétrifier Dante dans l’Enfer (4) et qu’elle persécute les anges déchus du Paradis Perdu de Milton (5). Les érudits du Moyen Âge interprètent sa beauté comme un symbole des tentations terrestres de la luxure ou de la richesse qui détournent l’homme du Ciel (6). Conformément à une certaine image de la femme, ses charmes dissimulent la souillure de son âme. À la Renaissance, sa dimension maléfique sera nuancée dans la poésie amoureuse. En effet, Pétrarque et Ronsard mêlent ses traits à ceux de la dame aimée et font de la pétrification une image conventionnelle du coup de foudre : les yeux de Laura ou de Marie, comme ceux de Méduse, glacent le cœur du poète transi d’amour. L’horrible image de Gorgô s’efface encore dans cette confusion entre le monstre et les belles dames chantées par les Renaissants. La Gorgone reparaît néanmoins dans toute sa perversion ambiguë avec le Romantisme : Goethe la place dans la nuit de Walpurgis de son premier Faust, charmante, trouble et dangereuse (7), tandis que Percy Shelley reste ébloui devant une représentation de son chef tranché, répugnant et superbe (8). À la fin du XIXe siècle, elle répond parfaitement au goût décadent pour les femmes fatales : elle est belle et démoniaque et ses charmes sont mortels pour l’homme. Elle partage le miroir de Narcisse, la décapitation de Salomé, le sourire de la Joconde9 et les serpents de Lilith et Salammbô. Ainsi hante-t-elle les œuvres de D’Annunzio, Delville ou Khnopff. Par sa nature essentiellement ambivalente, Méduse semble donc incarner à merveille la fascination mêlée de répulsion exercée sur l’homme par la féminité. Freud a parachevé cette interprétation en associant la face de la Gorgone à une représentation du sexe de la mère.
 
Nous allons ici nous attacher à étudier le traitement de la figure de Gorgô dans quelques textes fantastiques du XXe siècle (10), où, pour la première fois, elle accède au rang de véritable personnage. Jusqu’alors, malgré son succès dans l’iconographie, Méduse avait dû se contenter en littérature du rôle d’image, de symbole : elle servait de comparaison à tout ce qui glace le cœur de l’homme, de la peur à l’amour. Au XXe siècle, la Gorgone va devenir le centre d’œuvres de fiction au prix d’une certaine humanisation de ses traits. Dans nos textes fantastiques, elle est Euryale, sœur de Méduse capturée par un savant dans la terrible maison de Malpertuis, ou Euryale, improbable descendante des Gorgones antiques qui se sert d’une pieuvre pour pétrifier ses victimes (11) ; elle est Shambleau, une extraterrestre dévoreuse d’hommes (12) ou une chanteuse dont la maléfique fascination mène les hommes à la mort (13) ; elle est une quatrième Gorgone destinée à remplacer Méduse décapitée (14), elle est Marceline, fille d’une race monstrueuse plus ancienne que les hommes (15) ou encore Méduse elle-même réduite à une tête pétrifiante perdue dans un pli de l’espace-temps (16). Ce monstre qui représentait pour les Antiques l’altérité absolue (17) va quitter le flou du mythe et devenir un personnage littéraire. Le processus s’accompagne d’une humanisation qui se traduit dans l’évolution aussi bien physique que ‘psychologique’ de la Gorgone.
 
L’apparence de Méduse est un élément capital : la Gorgone est surtout reconnaissable à sa tignasse de serpents et au terrible pouvoir de ses yeux. De plus, comme son seul regard tue, elle est vouée à la solitude et à l’inaction. Sa psychologie n’a jamais jusqu’ici bénéficié de réel développement et seul son physique comptait. Même si les auteurs du XXe siècle vont parfois s’attacher à lui donner une personnalité, ils se doivent de décrire assez précisément le personnage afin de lui donner son épaisseur mythique. Ce portrait implique des choix importants : la palette des possibilités est large pour un personnage aussi ambigu, qui hésite depuis toujours entre beauté et laideur. L’auteur peut décider de lui conserver son terrible masque antique comme il peut opter pour les attraits pervers de la femme fatale ; il peut l’humaniser dans une plus ou moins grande mesure, lui ôter ses serpents ou ses regards mortels, lui conserver ailes ou griffes...
 
Les textes modernes continuent généralement la tradition en décrivant une Méduse ambivalente. Ainsi dans The Gorgon de Smith, elle est sublimement belle tout en incarnant l’horreur absolue tapie derrière le réel. La Shambleau de Moore est tout à fait ravissante sous sa répugnante chevelure de vers et, dans Malpertuis, Euryale est tantôt une charmante jeune fille, tantôt une créature monstrueuse « d’une immense beauté mais terrible comme Dieu » (p.230). La Gorgona de Venturini est caractérisée par la laideur, l’excès, mais aussi par « un oscuro atractivo » (p.40). Effrayantes mais fascinantes, les Gorgones modernes rappellent souvent la dangereuse beauté des femmes fatales de la fin du XIXe siècle. Elles ont le même teint d’une pâleur lunaire, les mêmes yeux verts, typiques « dei personnaggi sadici nel basso romanticismo » (18), et parfois la même diabolique chevelure rousse. Gracieuses, puissantes et mystérieuses, elles sont également félines, proches du chat ou de la panthère comme les ‘Diaboliques’ de Barbey d’Aurevilly ou les sphinx de Khnopff. Lovecraft va jusqu’à situer explicitement sa Gorgone moderne, Marceline Bédard, dans le Paris décadent : comparée à une princesse orientale d’Aubrey Beardsley, elle est prêtresse d’un culte ésotérique assimilé à celui des Rosicruciens.
 
Mais les éléments physiques de Gorgô les plus remarquables sont bien sûr ses cheveux serpentins et ses yeux pétrifiants, traits définitoires du personnage. La chevelure reptilienne peut être est conservée comme chez C.A. Smith et Léa Silhol qui mettent en scène des Gorgones ‘classiques’. Smith décrit « the veritable Head » entourée de ses vipères sifflantes et si au début les cheveux de La Gorgone Enfant sont encore mal déterminés, ils sont «ophidiens pourtant » (p.12).
 
Les serpents se font par contre plus discrets chez Lovecraft et J. Ray. Au premier abord, la chevelure de jais de Marceline décrite par Lovecraft n’a d’extraordinaire que sa luxuriance. Elle se comprimera cependant à la mort de la Gorgone jusqu’à former un gros et dangereux python. Les cheveux du portrait maléfique de la jeune fille seront quant à eux, comme ceux de Méduse, autant de reptiles menaçants. De même, ce n’est qu’à la fin de La résurrection de la Gorgone que l’autopsie révèle les étranges racines cachées sous les beaux cheveux d’ébène d’Euryale Ellis, « des protubérances singulières [...] ayant la forme de minuscules têtes de vipères » (p.94).
 
De son côté, C.L. Moore introduit une variation sur le motif du serpent et attribue à sa Gorgone extraterrestre une chevelure de vers vampiriques: Shambleau porte sur la tête une impressionnante masse de tentacules grouillants. L’aventureux Northwest Smith ne s’en doute cependant pas immédiatement car la tête de Shambleau est couverte d’un turban. C’est seulement quand elle le défait que le héros remarque une mèche mouvante de cheveux rouges « thick as a thick worm » (p.18). Les vers enflent alors jusqu’à former un monstrueux foisonnement capable d’engloutir un homme.

Enfin, les auteurs peuvent aussi abandonner l’élément ophidien afin d’humaniser l’apparence de leur Gorgone. Cette banalisation est souvent compensée par quelque autre particularité de la chevelure et ce n’est pas un hasard si Jean Ray choisit de teindre l’Euryale de Malpertuis en roux. Cette couleur véhicule en effet une idée d’exception mais aussi tout un passé de craintes et de superstitions. Couleur rare, le roux est associé aux marginaux, au Mal et aux Enfers. Il serait aussi la marque de la luxure et du désir. Les rousses sont d’ailleurs réputées ardentes et passionnées en amour, ce qui ne laisse aucun homme indifférent. Dans la littérature et la chanson, de nombreuses séductrices et prostituées19 possèdent d’opulentes chevelures rousses. Les femmes peintes par des artistes fin-de-siècle tels que Khnopff sont également auréolées de flammes provocantes. Quelle teinte pouvait donc mieux convenir à un monstre antique reconverti en femme fatale ? Les cheveux roux de la Méduse moderne résonnera des échos du chaos que Gorgô représentait originellement et de la luxure qui lui fut ensuite attribuée. Jean Ray a cette belle idée de doter son Euryale d’une « chevelure, rouge comme du cuivre brûlant » (p.220). Justement les vers de Shambleau étaient eux aussi rouges et la chanteuse de Y. Venturini présente des cheveux bouclés et proches du roux, jaunes tirant sur le safran, le cuivre et la terre cuite.

Quelle que soit la formule choisie par l’auteur, les chevelures des Gorgones modernes terrorisent surtout par la vie qui les habite. Quand les traditionnels serpents sont conservés, ils sont naturellement vivants et chez C.A. Smith, comme dans l’Antiquité, ils le restent après la mort du monstre. Quant à la jeune Gorgone de Silhol, elle ne contrôle pas encore très bien cette vie indépendante, au point qu’elle doit parfois remettre « en place une de [s]es mèches [...] venue se tortiller devant [s]es yeux » (p.12). Ses cheveux sont en train de se former pour devenir de vrais reptiles, sorte de prolongement, de double d’elle-même. Ainsi, lorsqu’elle se fâche avec sa nourrice, elle se retire fièrement sans l’écouter tandis que l’«un des jeunes serpents de [s]a chevelure siffla vers elle » (p.14). Ses cheveux expriment son courroux à sa place.

Même lorsque la chevelure semble banale au premier abord, l’inquiétude vient de quelque apparence de vie. Les cheveux de Marceline dérangent surtout par leur « separate, unholy vitality » (p.7) et cette impression est aggravée par les soins attentifs que la jeune fille leur prodigue comme s’ils étaient « a living being which she had to feed in some strange way » (p.7). En outre, ils semblent parfois réagir en même temps que Marceline. Ainsi, ils se serrent de contentement lorsque la jeune fille apprend que Marsh a presque terminé son portrait. À la mort de la Gorgone, ils sont arrachés de son crâne et deviennent un serpent, capable de frapper et d’étouffer un homme, véritable double de la femme, sa prolongation après la mort.

De même, Shambleau fascine et dégoûte par sa chevelure qui rampe « with a sickening life of its own [...] caressingly, revoltingly, impossibly... » (p.18). Ces vers sont en quelque sorte le vrai corps de Shambleau : ses formes délicieusement féminines ne sont qu’un appât pour attirer les hommes dans ses filets et s’en nourrir.

Dans les autres cas, la couleur rousse permet d'insuffler une certaine vie aux cheveux humanisés des Gorgones. La chevelure de l’Euryale de Malpertuis, « parcourue d’étincelles » (p.39), s’allume « de reflets rutilants au moindre mouvement de sa tête et sembl[e] vivre» (p.68). De plus, l’enchevêtrement des serpents de Gorgô est rappelé par la tignasse ébouriffée d’Euryale, qui ferait « le désespoir d’un démêloir » (p.89). Le désordre caractérise également les cheveux de la chanteuse de Venturini : c’est à la vue de « esos cabellos más desordenados ahora » (p.43) que le narrateur, nouveau Persée, accomplit la décapitation. Les boucles, tout à fait naturelles et banales dans la vie, rappellent ici les ondulations des vipères de Méduse.

La chevelure devient donc un élément fantastique important par la vie indépendante qui l’habite. Attrait essentiel de la femme, elle devient terrifiante lorsqu’elle se met à remuer, voire à attaquer et à absorber la vie des hommes. La chevelure emprisonne dans un réseau, imagé (la fascination) ou réel (l’enfermement), et peut dès lors être assimilée au lien, dont le symbolisme est purement négatif, « [...] puissance magique et néfaste de l’araignée, de la pieuvre et aussi de la femme fatale et magicienne » (20). Les cheveux participent de l’aliénation que la Gorgone impose à son entourage et soutiennent ainsi l’action du regard.


Comme la chevelure, les yeux méduséens vont connaître une certaine humanisation. Leur évolution permettra à la Gorgone d’entrer en contact avec d’autres êtres et d’agir dans la trame fictionnelle. En effet, son pouvoir de mort sera souvent atténué tout en laissant des traces notables. Le dangereux regard de Méduse doit être rapproché des croyances concernant le mauvais œil. Selon l’ancienne opinion(21), les yeux ne seraient pas uniquement réceptifs mais émettraient des rayons pour appréhender les objets extérieurs et « le seul regard de certains êtres mauvais [...] suffisait à pétrifier ou à rendre totalement impuissant» (22). C.A. Smith reprend cette tradition : son héros sent à travers ses paupières closes «the searing radiances» émanant des pupilles gorgonéennes. Les avatars modernes de Méduse posséderont des yeux ‘mauvais’ capables, de pétrifier ou seulement de fasciner les hommes. La majorité des textes étudiés colorie ces dangereux regards du vert des yeux félins, couleur de Vénus et de l’émeraude, réputée faciliter les amours (23). Ainsi l’Euryale de Malpertuis a des «yeux de jade» (p.39) et la Gorgone Enfant « des opales habitées d’un feu vert » (p.12) quand les regards de Shambleau sont « frankly green as young grass » (p.6). Yolanda Venturini parle du vert brumeux des iris de sa chanteuse et si l’Euryale de La résurrection de la Gorgone a des yeux noirs, les regards de son double aquatique, le poulpe géant, sont bien eux « d’un feu vert intense » (p.83). Décrire les yeux de la Gorgone par une couleur, aussi particulière soit-elle, c’est déjà les voir comme ceux d’une femme.

L’évolution principale réside dans le contrôle relatif que les Gorgones modernes peuvent exercer sur leur pouvoir pétrificateur ou fascinant. Afin d’évoluer dans Malpertuis sans changer tout le monde en pierre sur son passage, Euryale doit cacher ses pupilles : tantôt elle « fait l’endormie mais un peu de feu vert glisse sous ses paupières closes » (p.42), tantôt elle tient ouverts des yeux qui paraissent « voir à peine » (p.43), d'« un lointain regard, sans flammes ni pensées » (p.50). De même, la Gorgone de Silhol peut entrer en relations avec d’autres êtres vivants grâce à leur ‘regard sélectif’. Ses servantes ont en effet les paupières closes et couvertes de signes magiques qui leur permettent de voir leur entourage sans affronter l’apparence du monstre. Ainsi, la nourrice peut la fixer « droit dans les yeux à travers ses paupières scellées» (p.15).

Les yeux de chat de Shambleau sont au début comme voilés, leur pouvoir sommeille. Lorsqu’elle s’approche de l’homme pour le dévorer, le rideau au fond de son regard se lève et laisse voir d’infinies ténèbres où se noie sa victime, fascinée, littéralement ‘ravie’. Chez Venturini également, les yeux gorgonéens sont nébuleux, voilés, mystérieux, évoquant l’altérité de cette femme et les dangers qu’elle recèle. Le pouvoir de Méduse est donc contrôlable : la créature moderne peut l’éteindre et ne l’utiliser que lorsqu’elle le souhaite. Elle n’est plus victime de son regard, contrainte à la solitude par la mort qui repose dans ses yeux. Ce contrôle permet à la Gorgone le rapport aux autres – même si ce n’est parfois que pour mieux les piéger. Le regard est véritablement une arme de la femme, qui plie la volonté des hommes à la sienne ou les change en pierre avec préméditation.

La pétrification traditionnelle, lorsqu’elle est conservée, peut revêtir plusieurs sens. Lorsque le héros de C.A. Smith s’approche de la tête de Méduse, une multitude de statues lui annoncent le sort qui lui est réservé s’il se montre imprudent. On retrouve donc la même fonction dramatique que dans les Métamorphoses d’Ovide qui décrivent les alentours du repère des Gorgones emplis d’animaux et d’humains de pierre (24). Dans d’autres textes, la pétrification est liée à l’idée d’éternité. Dans La résurrection de la Gorgone, Jarns, sur le point de statufier un journaliste, lui montre le beau côté d’une telle fin : ses traits seront immortalisés pour leur plus grande gloire. La pétrification est une mort qui promet la vie éternelle par le souvenir que laissera la pierre, symbole de pérennité. Cette idée, elle aussi, se trouvait déjà chez Ovide, où Persée promet à Phinée de lui offrir en le changeant en pierre « une stèle pour l’éternité » (25). Elle reparaît dans Malpertuis où la taxidermie semble un double de la pétrification,    un    autre    moyen    de    « conservation    éternelle » (p.170) du corps. Par contre, l’immortalisation est refusée aux victimes d’Euryale : les statues de tante Sylvie et de Philarète se brisent en effet sur le sol, comme si la transformation ne devait apporter ici que mort et oubli. Seul Jean-Jacques accidentellement changé en pierre par la jeune Gorgone restera intact pour être inhumé en terre consacrée et la malheureuse Euryale viendra pleurer sur sa tombe et honorer ainsi sa mémoire.

Ailleurs, la puissance de mort de Gorgô est affaiblie à tel point que ses regards ne sont plus que vaguement hypnotiques. Même alors, les métaphores touchant à la pierre sont fréquentes pour exprimer la perte de volonté des victimes. Ainsi la Marceline lovecraftienne n’est qu’obscurément fascinante, mais à la vue de son portrait, le vieux de Russy sent tout de même que « [...] something in [his] shaken will had been captured and turned to stone» (p.24). De même, l’attraction qu’exerce Shambleau est comparable à une paralysie, à une pétrification. Déjà dans son cauchemar, le héros sent un froid mortel le pénétrer lorsqu’il essaye de bouger sous la caresse de l’un des vers rouges : son corps lui semble un « living marble » (p.12). Quand la chevelure se refermera réellement sur lui, il se sentira « rigid as marble, as helplessly stony as any of Medusa’s victims in ancient legends were» (p.21). C’est comprendre la pétrification mythique comme une métaphore, une hyperbole de la fascination qui immobilise. Avec la chanteuse de Venturini, l’action ensorcelante du regard est soutenue par le charme de la voix : la Gorgone et la Sirène se confondent pour captiver les hommes et les mener à la mort.

Le sémantisme de la pierre gagne par ailleurs d’autres personnages. Ainsi dans The Gorgon, le vieillard qui mène le narrateur jusqu’à la tête de Méduse a la peau pâle et marquée «like graven ivory». Il a d’ailleurs le même effet que la Gorgone: à sa vue, le héros est «petrified with an instant fascination, an immediate terror ». Dans Malpertuis, Zeus, sous les traits d’Eisengott, est toujours caractérisé par des mains grandes et « si belles qu’elles semblaient empruntées à un gisant d’église » (p.48), sculptées « dans le vieil ivoire » (p.147). Mais surtout, Euryale elle-même est assimilée à une statue. Elle reste parfois si longtemps immobile que Jean-Jacques en prend peur. Il est dit qu’elle a un « visage de pierre » (p.89) et, un soir, sa main sur l’épaule de son jeune soupirant se fait lourde, froide et dure. Mais peut-être n’est-ce que la continuation de la femme fatale, dure comme le marbre, de la fin du XIXe siècle – femme qui déjà en 1837 se fait réellement statue et idole dans la Vénus d’Ille de Mérimée (26). Enfin, les auteurs recourent fréquemment aux pierres précieuses vertes pour évoquer les yeux de la Gorgone (27) : conséquence ultime du contexte méduséen, où l’organique se fait minéral, les yeux qui ont le pouvoir de pétrifier deviennent eux- mêmes des pierreries.

On retrouve une autre trace du mythe antique dans l’élément spéculaire : afin d’éviter les dangereux regards de Méduse, les héros du XXe se souviennent plus ou moins consciemment de l’astuce du miroir utilisée par Persée. Ainsi, jusque sur la planète Mars de Shambleau, le récit antique sauvera deux hommes : Yarol, sur le point de succomber à la fascination de Shambleau, aperçoit sur le mur une glace fêlée qui lui permet de viser la créature sans croiser son regard. De même, le narrateur de The Gorgon est invité à admirer la tête de Méduse dans un bouclier poli, si ancien qu’il pourrait être celui-là même « that was employed by Perseus ». Mais si le héros grec ne semblait pas frustré de ne voir que l’image de son ennemie, celui de Smith est saisi d’une envie folle de regarder la Gorgone sans intermédiaire. En effet, à la différence de l’affreux monstre antique, la Méduse moderne est si belle que le spectateur ne résiste que difficilement au désir de la contempler de face.

Le jeune Jean-Jacques doit lui aussi se contenter du reflet de sa belle cousine Euryale dans un trumeau poli. Il aimerait pourtant la voir mieux, inconscient du danger qui le guette, et c’est elle qui l’empêche de la regarder en face. L’interdiction de dévisager Euryale est liée dans Malpertuis à toute une thématique du mystère. S’il est dangereux de voir, il est aussi dangereux de ‘sa-voir’. Le risque de trop connaître est exprimé par la bonne Élodie qui tance Jean-Jacques : « Dieu garde ses mystères et punit les hommes qui essayent d’y porter une profane atteinte » (p.63). Eisengott lui souhaite également que le destin le tienne éloigné des choses cachées dont il a entraperçu les reflets. Il permet à dom Misseron de voir jusqu’à un certain point l’affrontement final entre les Furies et les Gorgones : « Pour l’heure regardez donc et peut-être qu’il vous sera donné de comprendre » (p.213). Mais il l’en détourne lorsque le spectacle se fait dangereux, c’est-à-dire quand Euryale s’avance. Jean- Jacques, lui, a voulu voir et sa-voir : il finit pétrifié.

Les textes modernes développent également le thème dans une autre direction: si le miroir est traditionnellement l’intermédiaire pour regarder l’irregardable, il peut également révéler l’identité de Méduse aux autres ou à elle-même. Léa Silhol met en scène une Gorgone en pleine croissance qui s’interroge à la première personne sur le monde et sur elle-même. De nouveau, la connaissance est capitale, une véritable «arme» (p.13) : elle ne cesse de questionner sa nourrice sur sa famille et sur sa destinée. C’est ainsi qu’elle prend conscience que l’île ne contient aucune surface réfléchissante – même la mer refuse de lui montrer son visage. Elle est condamnée à ne connaître d’elle- même que l’image que lui renvoient les autres, et en particulier sa nourrice qui la décrit avec mépris comme un monstre. La Gorgone n’aura de cesse de se voir et se fabriquera une glace à l’aide du corps d’un homme sirène échoué sur la plage de son île. Elle aurait pu le sauver et peut-être se faire aimer de lui mais elle préfère le laisser mourir car ses yeux n’auraient sans doute pas été un « aussi bon miroir que celui qui est né de lui » (p.16). La Gorgone se crée la possibilité d’affronter son reflet, de se connaître, se « reconnaître » (p.16). Elle sait le risque qu’elle encourrait à croiser son regard mais ne préférera-t-elle pas la mort à une vie sans se voir ? Elle doit passer par le ‘stade du miroir’. Toutefois l’occasion de se voir lui vient de nouveau de l’Autre, de l’ondin et de ses écailles polies jusqu’à la réflexion. L’homme-sirène lui permettra de se constituer une Identité, tout comme la nourrice la définissait par sa Différence de monstre. L’Autre est donc le vrai miroir.

Le portrait peut lui aussi être un miroir de l’âme et révéler les secrets cachés sous de belles apparences. C’est le thème du célèbre Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde qu’on retrouve dans The Medusa’s Coil de Lovecraft. Mais Marceline ne subit pas l’évolution de Dorian : elle est depuis le début l’incarnation même du mal et le peintre Marsh cherche à saisir la noirceur qu’il pressent en elle pour la dénoncer aux yeux du monde. Marsh est un artiste-médium, qui a un accès privilégié aux côtés sombres de la réalité: il ne veut pas seulement peindre Marceline, il veut figurer ce qu’il voit à travers elle, le monde maléfique dont elle émane – ou qui émane d’elle. Dans son portrait, Marsh parvient à saisir l’indicible et chacun des spectateurs du tableau insiste sur le côté ineffable de la représentation tout en essayant de dépeindre la toile. Comme dans Le Paradis de Dante, ce procédé fait comprendre que la ‘réalité’ dépasse encore de beaucoup les descriptions du texte. Le tableau met Marceline dans la rage folle d’avoir été percée à jour et apprend à son entourage sa monstrueuse nature. Il n’est cependant pas tout de suite fantastique : il ne prend vie qu’à la mort de Marceline, comme s’il recueillait une part de son âme. La toile conserve vivants les yeux mauvais et les cheveux serpentins qui, menaçants, s’avancent parfois dans la pièce. La rencontre avec l’altérité, la confrontation avec l’innommable doit ici se faire par la médiation artistique d’un tableau, comme ailleurs elle se faisait par l’intermédiaire d’un miroir.

On constate que les grands éléments du mythe méduséen se retrouvent dans les textes modernes, mais non sans qu’une tension s’exerce toujours entre la tradition et l’innovation : les cheveux perdent leur caractère serpentin tout en restant vivants, les yeux se contentent de fasciner mais la métaphore de la pierre envahit le récit, tandis que le bouclier de Persée évolue parfois jusqu’à révéler l’identité du monstre. Le physique de la Gorgone moderne va lui permettre d’acquérir une psychologie et de devenir ainsi un véritable personnage : avec la banalisation de ses traits et le contrôle de ses dangereux regards, Méduse peut désormais entrer en contact avec d’autres personnages et se créer une personnalité. Les auteurs vont lui prêter des sentiments et l’amener ainsi au plus haut point d’humanisation : comme une femme, la Gorgone va haïr, aimer et être aimée. Pourtant Gorgô et Éros semblent bien s’opposer comme la mort à la vie et le Chaos à l’harmonie. Ils entretiennent un rapport de force : Éros peut être médusé (28), comme Méduse peut tomber amoureuse. Shambleau illustre le premier cas : la Gorgone participe au jeu de l’Amour tout en restant irréductiblement autre par rapport à l’homme. Le texte fournit une série de désignations de cette altérité : la créature est animale, féline mais aussi extraterrestre ; le héros la soupçonne même d’être un vampire. À la fin, Yarol la désigne d’ailleurs simplement comme « the – the other » (p.35) : il n’est plus possible de la définir différemment, elle est autre de façon si irréductible qu’elle n’est que ‘Autre’. Et elle est l’autre féminin : est-ce un hasard si cette créature vient justement de Vénus sur Mars, véritable intrusion du féminin dans le monde masculin? Quand le héros raconte son expérience avec Shambleau, il parle de « something so utterly at odds with everything human » (p.31). Il a été amené à en faire partie pendant un moment : en s’unissant à l’autre, il est lui-même devenu autre, il a été aliéné. La fin de la nouvelle nous apprend que Shambleau se nourrit de la force vitale des hommes et qu’elle ne prend une apparence féminine que pour augmenter cette force par l’excitation sexuelle. Elle est une sorte de vampire de l’âme utilisant « a mental reach to get mental food » (p.30). Moore se livre en quelque sorte à un ‘défigement’ de la métonymie qui est à la base du mythe du vampire : en suçant le sang de sa victime, celui-ci absorbe sa vie sous sa forme métonymique. La chevelure de Shambleau est d’ailleurs comparée à « a mass of entrails » (p.23) : il s’agit d’une masse de viscères, «d’un ventre où le héros régresse heureux et terrifié» (29). À travers la figure de Shambleau se dessine la peur du sexe féminin, que Freud évoquait déjà en parlant de Méduse (30). Le héros ressent un « repulsive pleasure » (p.25) : le délice du corps s’oppose à l’horreur de l’âme selon un « sentiment inconscient que la pénétration sexuelle est une sorte de [...] voyage au bout de la nuit de la souillure » (31). L’homme passe ici son temps à se battre contre l’attirance qu’il ressent pour la femme en tant qu’autre qu’il n’est pas sûr de contrôler. La chevelure de Shambleau est à la fois sexe, qui donne du plaisir, et bouche, qui suce la vie de sa victime. Elle sécrète un liquide visqueux, à la fois salive, suc digestif et sécrétion vaginale provoquant l’excitation et le plaisir (32). Le sexe et la bouche se confondent : vampire physique ou psychique, femme fatale et mante religieuse, Shambleau ‘digère’ sa proie pendant l’acte ‘sexuel’, rappelant le terrible vagina dentata et d’autres images de la féminité dévorante. 

Mais Méduse peut aussi se mettre à vibrer de sentiments humains et perdre ainsi un peu de son altérité. En effet, si elle est capable d’émotions, elle partage les attributs des hommes, elle est assez proche d’eux pour qu’ils se reconnaissent en elle. À la limite, elle pourrait ressentir de la haine, sentiment négatif, et rester l’Autre ; mais elle va jusqu’à aimer un humain et être aimée en retour. La Gorgone de Léa Silhol est ainsi un personnage à part entière, doté de psychologie et d’émotions. C’est elle qui parle à la première personne du singulier, comme une jeune fille rédigeant son carnet intime. Le lecteur peut tout à fait s’identifier et, sans le titre, il ne saurait pas immédiatement qu’il se projette dans un monstre. La situation est ici inversée : la Gorgone, l’Autre, impose son point de vue et ce sont les Hommes qui deviennent les autres pour le monstre. La narratrice est ‘adolescente’, en pleine crise d’identité, elle se cherche dans le regard des autres. Quoi de plus humain déjà qu’une crise existentielle ? Elle a beau avoir tous les attributs de la Méduse antique, elle découvre la vie comme une enfant d’Homme. Entre autres, elle va apprendre les sentiments, la haine d’abord, l’amour ensuite. Sa nourrice se moque souvent d’elle, de son aspect monstrueux, au point que la Gorgone commence à la détester. Sa rancune est telle qu’elle la pousse à tuer sa nounou de son sang empoisonné (33). Mais surtout la Gorgone tombe amoureuse : elle s’imagine une idylle avec l’homme-poisson échoué sur la plage. Elle pourrait le sauver grâce à son sang mais elle préfère le laisser pourrir et se construire un miroir à partir de ses restes : elle sacrifie l’amour à son besoin de se connaître. Elle conserve tout de même les cheveux de ce potentiel amant et passe autour d’eux «une alliance d’électre [...] en signe d’épousailles » (p.15). Elle s’invente un amour, et s’imagine que l’homme lui donne un nom, une identité : « Phanéios et Thanya, couple étrange uni dans des noces de ténèbres conjurées et de lumière traîtresse » (p.15).

La jeune Euryale de Malpertuis va elle aussi connaître l’amour pour son ‘cousin’ Jean-Jacques. Un soir, elle lui fait une « promesse prodigieuse » (p.89) : « – Quand tout le monde ici sera mort, nous deux exceptés, tu m’épouseras... » (p.68). Elle semble néanmoins bien froide à son égard pendant tout le début du roman. Le malheureux jeune homme souffre de cette indifférence au point de se jeter dans les bras d’Alice/Alecta (34), donnant naissance à un « effroyable drame de jalousie comme l’Olympe en a connu quelques-uns aux temps héroïques» (p.219). De colère, Euryale cherche alors à pétrifier Jean-Jacques afin de le garder pour elle seule. Heureusement, ses larmes atténuent le pouvoir de ses yeux et Jean-Jacques s’en sort. Elle s’évertuera ensuite à le protéger, contre Philarète d’abord, contre les Érinyes ensuite. Tandis que Jean-Jacques et Bets gagnent le monastère des Pères Blancs, les Furies tentent plusieurs fois de les arrêter mais reculent devant la Gorgone. On se rappelle que dans L’Enfer de Dante, Méduse était en quelque sorte la quatrième Érinye, leur arme suprême ; ici, elle s’est retournée contre elles. La rivalité des déesses atteint son paroxysme avec la lutte devant le monastère. En voulant défendre son amant, la Gorgone le tuera sans le vouloir : il a levé les yeux sur elle, lui qui tout au long du roman souhaitait la voir en face, ranimer le feu de ses regards... Il ne restera plus à la malheureuse Euryale qu’à pleurer Jean-Jacques pétrifié et à se terrer dans Malpertuis. La Gorgone est ici sentimentale et elle use généralement de ses pouvoirs pour le bien de son amant. Et même lorsqu’elle cherche à le pétrifier, ses raisons sont bien humaines puisqu’elle agit par dépit amoureux, par jalousie et possessivité. Malgré leurs bons sentiments, les Gorgones semblent encore condamnées aux amours malheureuses et à la solitude : Euryale et la Gorgone Enfant perdent chacune son amant, l’une par choix, l’autre par accident.

L’étude de nos sept Gorgones modernes montre que la permanence de la figure mythologique s’accompagne d’une humanisation de ses traits : Méduse ressemble parfois à une femme au point de tromper son entourage. L’atténuation de sa monstruosité et de ses mortels regards lui permettent d’interagir avec d’autres personnages et de participer à l’action. L’évolution physique ouvre la possibilité d’un approfondissement psychologique tout à fait nouveau. Méduse n’est plus une figure mythologique, désincarnée, mais bien une femme avec ses faiblesses et ses passions. Toutefois, le personnage est surtout intéressant parce que l’humanisation est incomplète. La Gorgone entraîne dès lors une réflexion sur l’altérité: si la Méduse moderne est moins irréductiblement autre qu’à l’époque archaïque, elle reste souvent étrangère à l’homme, parfois en tant que monstre et toujours en tant que femme. Elle aliène l’homme en le transformant en pierre ou en le séduisant. L’homme est pris dans le filet de ses regards et de ses cheveux : la pétrification le rend autre, objet inanimé, sans âme ; la fascination le fait sortir de lui-même, plie sa volonté et le mène à sa perte. Les auteurs du XXe siècle semblent partagés entre la peur et la pitié pour cet Autre : le monstre peut parfois donner son point de vue ou se battre pour se faire aimer d’un humain. L’humanisation de Méduse ne la rend alors que plus tragique : malgré sa beauté et son amour, la part féminine de Gorgô est blessée par sa monstruosité et son pouvoir de mort la contraint à la solitude. La complexité du personnage est à son comble : il n’est plus tout à fait monstrueux mais pas encore tout à fait femme.


NOTES:

1 Hésiode place les Gorgones en extrême occident, à la frontière de la nuit (Théogonie, vv.274-275). 
2 Le gorgonéion est le masque monstrueux de Gorgô très souvent représenté indépendamment du corps dans la Grèce antique, comme élément décoratif et apotropaïque.
3 OVIDE, Les Métamorphoses, Livre IV, vv.794-803. Cette variante du mythe peut bien sûr être antérieure : déjà les sculpteurs grecs représentèrent de belles Gorgones. 
4 DANTE ALIGHIERI, La Divine Comédie, l’Enfer, IX, vv.52-60.
5 JOHN MILTON, Le Paradis perdu, II, vv.596-614. 
6 BERNARD SILVESTRE (1136), Commentary on the First six Books of Virgil’s ‘‘Aeneid’’; ARNOLPHE D’ORLÉANS (XIIe siècle) Arnulfi Aurelianensis Glosule super Lucanum, etc. On retrouve encore ce genre d’interprétation chez Boccace (Genealogia deorum) et Christine de Pizan (Epistre Othea). 
7 JOHANN WOLFGANG GOETHE, Faust (« la Nuit de Walpurgis »).
8 PERCY SHELLEY, « On the Medusa of Leonardo da Vinci in the Florentine Gallery ». 
9 C’est Walter Pater qui, dans The Renaissance, attribue à la Gorgone le mystérieux sourire de la Joconde.
10 La plupart de nos textes sont des nouvelles d’auteurs fantastiques du XXe siècle peu connus, tels la Chilienne Yolanda Venturini, la Française Léa Silhol ou l’Américain Clark Ashton Smith. Même le récit du célèbre Lovecraft que nous utilisons n’est que la révision peu réputée d’un écrit de Zéalia Bishop. Seul le roman Malpertuis du Belge Jean Ray a joui d’une certaine reconnaissance littéraire.
11 JEAN RAY, Malpertuis : histoire d’une maison fantastique, Bruxelles, Éditions Labor (Espace Nord), 1993 et « La résurrection de la Gorgone » in Harry Dickson, Trois récits fantastiques, Bruxelles, Éditions Labor, 1996, pp. 7-94. Les numéros de page entre parenthèses dans l’article renverront à ces références et aux suivantes.
12 CATHERINE L. MOORE, « Shambleau » in The best of C.L. Moore, New- York, Ballantine Boocks, 1976, pp.1-32. 
13 YOLANDA VENTURINI, « La Gorgona » in La Gorgona y otros relatos fantásticos, Santiago, Ed. Documentas, 1989, pp.38-43.
14 LEA SILHOL, « La Gorgone Enfant » in Contes de la Tisseuse, Nestiveqnen Editions, Paris, 2000, pp.9-16. 
15 HOWARD PHILLIPS LOVECRAFT et ZEALIA BISHOP, « The Medusa’s Coil » sur
http://www.gizmology.net/lovecraft/works/medusa.htm.
16 CLARK    ASHTON    SMITH,    « The    Gorgon    »    sur http://www.eldritchdark.com/wri/short/gorgon.html. 
17 Pour une étude de la Gorgone antique comme représentation de l’altérité terrifiante, voir J.-P. VERNANT, La mort dans les yeux : figures de l’Autre en Grèce ancienne, Artémis, Gorgô, Paris, Hachette, 1985. 
18 M. PRAZ, La carne, la morte e il diavolo nella letteratura romantica – Le romantisme noir, Firenze, Sansoni, 1948, p.327. Le ‘bas romantisme’ est celui de la fin du XIXe siècle, le décadentisme, que M. Praz considère comme le romantisme poussé à l’extrême. 
19 Telles la princesse Roukhine de Verlaine (Hombres, Œuvres libres, v.8), Julie la Rousse de René-Louis Lafforgue ou Nini-peau-d’chien chantée par Aristide Bruant en 1904. 
20 G. DURAND, Les structures anthropologiques de l'imaginaire : introduction à l'archétypologie générale, Paris, Bordas, 1973, p.118. 
21 C’est la théorie des Pythagoriciens, reprise entre autres par Euclide et Ptolémée, théorie «qui eut une très grande influence sur le développement de l’optique» (Vasco RONCHI, Histoire de la lumière, Paris, S.E.V.P.E.N., 1956, p.7) 
22 M. CAZENAVE (sous la direction de -), Encyclopédie des symboles, Paris, Le Livre de Poche, 1996, pp.464-465. 
23 Idem, p.711. 
24 OVIDE, Les Métamorphoses, IV, 779-781. 
25 « monimenta per aevum », OVIDE, Les Métamorphoses (traduit du latin, présenté et annoté par DANIELE ROBERT), Paris, Actes Sud, 2001, pp.204-205, Livre V, v.227. 
26 Mérimée met en scène une statue de Vénus qui s’anime pour étouffer le jeune homme qui lui a passé la bague au doigt. 
27 Le jade, l’opale, les gemmes, l’émeraude, la pierre de lune et même, moins connue, la viridine se concurrencent pour rendre l’intensité de ces regards. 28 D’après la formule de C. FIEROBE (qui étudie les cas de Shambleau, The Monk de M. Lewis et The Picture of Dorian Gray d’O. Wilde dans son article « Éros médusé » in Éros, science & fiction, fantastique, Actes du XI Colloque du CERLI, Provence, Université de Provence, Service des Publications, 1991, pp. 9-19.)
29 C. GAUGAIN, « La mythologie dans Shambleau de C. Moore », in Mythes, images et représentations, Limoges, Publication de la Trame, 1981, p.357. 
30 S. FREUD (« La tête de Méduse » in Œuvres complètes, Paris, Publications Universitaires de France, 1991 (1940), vol.XVI, pp.163-164) voyait dans la tête de Méduse une représentation du sexe féminin, et en particulier de celui de la mère, qui fascine et effraie le jeune homme.
31 G. LASCAULT, Le monstre dans l'art occidental : un problème esthétique, Paris, Librairie Klincksieck, 1973, p.383. 
32 Yarol est traversé d’un « faint tingle of obscene delight » (p.25) au simple contact de l’épaule de son ami Smith, tout enduit du visqueux liquide.
33 L. Silhol reprend la tradition de la magie ambivalente du sang de Méduse qui remonte à Euripide (Ion, vv.1011-1015) : le sang de sa veine cave soigne et redonne la vie tandis que l’autre est un poison mortel. 
34 Appelée tantôt Alice, tantôt Alecta, cette femme est une incarnation d’Alecto, une des trois Furies ressuscitées à Malpertuis sous les traits des sœurs Cormélon.
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